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DR(EA)²M'oscope n°4

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Octobre 2019

Nos autoroutes deviendront-elles des jardins ?

En aménagement du territoire, on imagine souvent que la planification territoriale est le meilleur outil pour lutter contre l’étalement urbain apparu avec l’avènement de la voiture. En réalité, ce sont souvent les solutions de mobilité qui dessinent l’aménagement du territoire et non l’inverse. C’est la distance parcourue par une diligence en un jour qui a fait s’ériger, au Moyen Âge, un réseau de relais postaux eux-mêmes souvent à l’origine des futurs hameaux. C’est le train et l’industrie qui ont concentré l’essor urbain autour des gares et dessiné les agglomérations urbaines du 19ème siècle. L’accès de chaque ménage à la voiture est quant à lui à la base de l’étalement urbain des années 60-70. Enfin, l’avion moderne et le containeur ont permis dernièrement à certaines villes de se démarquer sur l’échiquier mondial. Sans ces innovations de mobilité, nos territoires auraient été tout autre. Que nous réserve donc la double révolution à l’œuvre dans le secteur automobile avec les véhicules électriques, d’une part, et les véhicules autonomes, d’autre part ?

Le passage à l’électricité ne devrait pas fondamentalement modifier la structure du réseau automobile puisqu’il s’agit d’un simple changement de « carburant ». Non, son plus grand impact, et on le voit déjà, se portera sur l’usage et l’attractivité des modes doux. Vélo, trottinettes, monoroues à piles pourraient à terme remplacer l’automobile dans les villes et permettre d’étendre jusqu’à 20 kilomètres leur périmètre d’accessibilité en deux roues. Dans ces zones, on peut dès lors s’attendre à voir se multiplier les projets de réaménagement donnant plus de place aux piétons et développant des lignes rapides de transport en commun et des autoroutes pour vélos.

Pour ce qui est de la voiture autonome, le bouleversement risque d’être plus impressionnant. Si la possession d’un véhicule ne devient plus la norme, c’est uniquement son usage qui servira de référence pour calibrer le réseau routier. Et avec le big data, cet usage sera optimisé au maximum pour réduire le nombre de trajets et l’apparition d’embouteillages. Mais bien plus important, dans ce modèle tout véhicule stationné constituera une ressource perdue. De quoi revoir en profondeur l’espace dédié à l‘automobile en récupérant des kilomètres de voirie et surtout, de parking. Quant à l’étalement urbain, il n’est pas certain que l’essor des voitures autonomes y mette un frein puisque ces voitures apporteront une solution aux deux facteurs qui pèsent le plus sur les navetteurs à quatre roues : les embouteillages qui allongent le temps de trajet domicile-travail et l’acte de conduite qui demande concentration et génère fatigue. Libéré du temps perdu en voiture, il pourrait habiter encore plus loin sauf si la ville redevient attractive.

L’avenir semble donc radieux pour nos villes et villages qui seront plus aérés, plus sûrs et plus calmes. Mais un grain de sable pourrait n’en faire à jamais que des illustrations de Schuiten et Peeters. L’épuisement des ressources en métaux rares sans lesquels batteries et traitement du big data ne peuvent se faire. La clef de notre futur aménagement du territoire ne se trouve sans doute pas là où on le pense.

Pour DR(EA)²M, Jean-Philippe Lens