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Avril 2019

Les fermes, nos futurs hubs économiques ?

Les exemples fourmillent de bâtiments construits pour une vocation spécifique qui, par opportunisme, déshérence ou obligation se voient finalement utilisés à d’autres fins. Ainsi des églises reconverties en hôtels, des hôpitaux devenus casernes ou prisons, des écoles transformées en logements haut de gamme ou sénioreries et des entrepôts revalorisés en loft. Le bâti agricole à, lui aussi connu ses reconversions. Alors que les fermes ont toujours vu se développer des bâtiments annexes liés à la transformation de la matière première (brasserie, fromagerie, boulangerie, …) dont on peut observer un actuel regain, c’est dès l’après-guerre qu’elles ont subies une importante reconversion non agricole sous l’effet combiné de l’étalement urbain et de la PAC (Politique Agricole Commune). Le premier enclavant pas-à-pas les petites exploitations les rendant moins viables économiquement et la deuxième les obligeant à se spécialiser, libérant ainsi des milliers de m² (et de m³) de bâtiments. Les Collèges communaux ont alors vu défiler les demandes de permis de reconversion de granges en logements, salles de fête ou autres espaces de stockage. Au-delà, de la perte d’un patrimoine architectural agricole, ces reconversions ont entraîné une perte nette en infrastructures destinées à la fonction productive agricole. Alors que le PIB belge a doublé entre 1990 et 2016, la valeur de la production finale agricole wallonne durant cette même période a faiblement baissé. En parallèle, la main d’œuvre utilisée par l’agriculture a été divisée par deux. Le constat est interpellant, l’agriculture n’a donc, en 30 ans, ni contribué à la progression du PIB ni à la croissance des emplois alors qu’elle utilise plus de 50% du territoire wallon.

Heureusement, une dynamique nouvelle se fait voir qui pourrait très rapidement faire de nos fermes de véritables petits hubs économiques. Deux évolutions l’expliquent.

D’une part, certains exploitants ont décidé dès le lancement de la PAC de privilégier la diversification à la spécialisation avec un retour à des exploitations plus traditionnelles associant élevage, maraîchage, culture et transformation en mode extensif et où les bâtiments ont retrouvé un usage agricole. D’abord perçue comme douce utopie, puis comme non performante, cette évolution a récemment gagné en crédibilité depuis que l’INRA (Institut National de recherche Agronomique français) en a démontré la performance économique notamment grâce à l’exemple de la ferme du Bec Héllouin. La permaculture serait donc, au final, productive et rentable.

D’autre part, on observe depuis peu un investissement par de nouveaux entrepreneurs dans de vieilles fermes patrimoniales pour y développer des projets entrepreneuriaux globaux : mise à disposition de foncier et d’infrastructures, accueil et accompagnement de porteurs de projets actifs dans l’alimentation durable, promotion et événement, gestion de canaux de distribution… Et ce, avec une vision écosystémique des projets (ferme de Froidefontaine, ferme de Bossimé, Jardins d’Arthey, Domaine des Cortils, …).

Cette conjonction de la preuve de rentabilité de l’agriculture permaculturelle et d’investissements entrepreneuriaux dessine un potentiel de création de nouveaux hubs économiques dans les fermes similaire à celui né de la création des espaces de co-working urbains il y a 10 ans. Avec, en prime, un lien plus évident avec le public qui élargit la visibilité au-delà des seuls co-workers, un cadre naturel et patrimonial souvent prestigieux qui renforce l’image de marque de chaque occupant et une réponse parfaite à un besoin de « retour à la terre » (salut Manu Larcenet) que ressent une part grandissante de la population.

Il est évident que l’émergence de nouveaux projets de ferm-hubs dépend en premier lieu de la volonté des propriétaires de mettre à disposition leur patrimoine. Mais les pouvoirs publics ont chacun à leur niveau, un rôle important à jouer. La Commune doit, par sa connaissance des acteurs locaux, faciliter la rencontre de propriétaires, porteurs de projets et structures accompagnatrices. Accordant les permis, elle détient en outre une des clés pour accélérer leur mise en œuvre. Les intercommunales ont une expérience évidente en montage de projets, en création d’infrastructures, en mise en réseau qui servira à consolider les projets les plus prometteurs. Enfin, la Région dispose des outils et moyens financiers pour soutenir à la fois l’émergence et la croissance de ces nouveaux hubs.

L’histoire fourmillent d’exemples de reconversions de bâtiments mais fourmillent aussi d’exemples de bâtiments revenus à leur fonction originelle après moultes transformations. Qui ne connaît ce célèbre Mont né monastère grandit en hôpital, vieilli en prison puis revenu au monastère.

Les reconversions suivent la conjoncture. Préparons-nous donc à revoir la fonction économique dans nos fermes.

Pour DR(EA)²M, Jean-Philippe Lens